Agir

Mesdames et messieurs les politiques, on en a ras-le-bol, on va agir

Décidément, nos politiques se sentent en danger. Nous assistons en effet quotidiennement au grand déballage des pratiques écœurantes de nos élus. Et nous assistons, incrédules, au sauvetage désespéré de ce qui peut encore être préservé par ceux qui se croient encore crédibles.

Dans le genre, citons par exemple Aymeric de Lamotte qui s’exprime dans une page d’opinion publiée dans Le Vif du 14 février dernier où il tente, vainement, de nous faire croire qu’il est encore possible de « mettre fin aux pratiques politiques qui minent la confiance du citoyen » [1]. Il y parle de « quelques politiques » qui entretiennent un rapport délétère à l’argent. Quelques politiques ? Seulement ? Les démissions pleuvent depuis plusieurs semaines et pas seulement à Liège… Et il voudrait nous faire croire que c’est le fait de quelques uns seulement ? Monsieur de Lamotte estime également que « les sommes citées [NDLR : concernant les salaires de nos mandataires] ne sont que des bagatelles par rapport à nos dépenses publiques ». Une bagatelle ? Avec nos 463 parlementaires et 59 ministres et secrétaires d’état[2], rien qu’avec le salaire officiel, ça doit au moins chiffrer dans les centaines de millions d’euros. Et il voudrait nous faire croire qu’il s’agit d’une bagatelle ? Enfin, Monsieur de Lamotte propose de « balayer d’abord devant sa porte » et dénonce les conflits d’intérêts et trafics d’influence de deux personnalités dont le cumul des mandats est archiconnu. Mais il omet bien sûr de citer des personnalités un peu plus proches, comme Monsieur Kubla ou Monsieur De Decker, et d’autres peut-être à venir. Et il voudrait nous faire croire qu’en déboulonnant deux personnalités, emblématiques certes, le ménage sera fait ?

Oui, nos politiques se sentent vraiment en danger et développent des trésors d’imagination pour nous laisser croire le contraire.

Mesdames et Messieurs les politiques, vous êtes for-mi-dables !

Vous nous faites croire que vous vous indignez avec nous contre les propos indécents de certains élus et contre les agissements inacceptables de certains autres, voire des mêmes. Vous affirmez avec véhémence que vous travaillez beaucoup, que vous avez beaucoup de responsabilités, que votre motivation première est le service à la population, qu’il est donc normal que vous gagniez beaucoup d’argent. Bref, vous voulez nous faire croire que vous êtes formidables et que vous êtes indûment pourchassés. Voyons ça d’un peu plus près.

Beaucoup de travail ?

La semaine parlementaire se déroule principalement sur 3 jours. Du mardi au jeudi, les lundis et vendredis étant réservés aux bureaux de parti et aux éventuelles commissions d’enquête… L’année parlementaire, quant à elle, se déroule du deuxième mardi d’octobre au 21 juillet de l’année suivante. Bien entendu, l’une ou l’autre séance peut toujours être organisée entre les deux, ouf, l’honneur est sauf. On comprend mieux pourquoi il vous reste du temps pour cumuler toutes sortes de mandats.

Beaucoup de responsabilités ?

Quelles responsabilités ? Celle de voter des lois ? Bien souvent, la discipline de parti vous impose votre choix, les décisions se prennent la plupart du temps majorité contre opposition. Où est la prise de responsabilités ? Celle de contrôler l’exécutif ? Nul besoin de rappeler les différentes affaires qui secouent le monde politique pour s’apercevoir que vous ne contrôlez pas grand chose, que vous auriez même tendance à vous préservez entre vous. Sait-on jamais, vous connaissez le (dites-le en chantant) « je te tiens, tu me tiens par la barbichette… ».

D’ailleurs, comment chiffrer la prise de responsabilité ? La responsabilité d’un parlementaire est-elle plus grande que celle d’un magistrat, d’un policier, d’un pompier, d‘un médecin, d’un enseignant, d’un entrepreneur, d’un infirmier… ?

Un gros salaire pour attirer les plus compétents ?

L’argument choc est évidemment que, comme dans le privé, si on veut les plus compétents, il faut offrir un salaire attractif. Ah, bon ? En politique, on recrute les plus compétents ? Et quand on inscrit le fils de… en place éligible sur une liste électorale, on le met là parce qu’il est « le plus compétent » ?

Un gros salaire est-il, en soi, une garantie d’attirer les meilleurs ? Et que signifie être le meilleur en politique ? Gère-t-on la chose publique comme on gère une entreprise ? Ceux qui gagnent moins sont-ils pour autant moins bons ? A force de confondre la chose publique et l’entrepreneuriat privé, on comprend mieux qu’on finit par avoir des politiques à la solde de la grande finance !

Une reconversion difficile ?

Les politiques prétendent également que, quand on s’investit en politique, c’est difficile de revenir à la vie civile. Rien n’est plus faux. S’être engagé en politique offre une plus-value incroyable sur le CV. Le réseau professionnel s’est considérablement accru et les hommes et femmes politiques sont demandés. Voyez Sabine Laruelle et Melchior Watelet par exemple, devenus Vice President Business to Institution sector chez Euro Consultants pour la première et CEO de Xperthis pour le deuxième.

Le service à la population ?

Ici aussi, les exemples pleuvent pour montrer que le service à la population n’est pas bien rendu. La justice n’est toujours pas informatisée, le RER accuse au moins 15 ans de retard, un train sur quatre est en retard, quand il n’y a pas annulation pure et simple ou grève à la SNCB, l’enseignement est déliquescent, le manque de place dans les crèches est criant[3], la politique énergétique manque de cohérence[4], la concurrence entre nos deux aéroports wallons fait rage… Vous en voulez encore ?

Quand êtes-vous sanctionnés, mesdames et messieurs les politiques, si le boulot n’est pas fait ? Comme n’importe quel travailleur dans n’importe quelle boite voit son travail évalué par rapport à ce qu’il apporte à l’entreprise, le parlementaire doit être évalué à l’aune de ce qu’il apporte à la collectivité. Et comme n’importe quel travailleur dans n’importe quelle boite se voit licencié quand son travail n’est pas fait, un parlementaire devrait pouvoir être écarté du pouvoir quand le boulot n’est pas fait. En réalité, la principale responsabilité que vous assumez est de vous faire élire aux élections suivantes…

En conclusion, la confiance est rompue depuis longtemps et probablement pour longtemps encore. Ce ne sont pas vos mesures tardives et sans doute cosmétiques qui y changeront quelque chose. Il faudra bien plus qu’un coup de balai magique pour effacer toutes les turpitudes que vous nous imposez. En tant que citoyens, notre devoir est, d’une manière ou d’autre, d’organiser la politique autrement. Alors, osons… osons, par exemple, présenter le plus possible de listes citoyennes aux élections communales prochaines comme c’est déjà le cas dans plusieurs communes wallonnes et bruxelloises[5]… faisons main basse sur la politique, la suite nous appartient.

[1] http://www.levif.be/actualite/international/mettons-fin-aux-pratiques-politiques-qui-minent-la-confiance-du-citoyen/article-opinion-614087.html

[2] https://www.belgium.be/fr/la_belgique/pouvoirs_publics/autorites_federales/parlement_federal

[3] Seuls 22% des besoins sont couverts alors qu’une couverture de 51% est souhaitable, Ligue des Familles, 2014.

[4] Agoria 2014.

[5] RTL, 17 février 2017.

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